Soutenance de thèse de Salah ABIDI

Ecole Doctorale
ESPACES, CULTURES, SOCIETES - Aix Marseille
Spécialité
histoire
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
mer,Maghreb,médiéval,perceptions,pratiques,
Keywords
Sea,medival,Maghrib,perception,practices,
Titre de thèse
La mer au Maghreb médiéval : pratiques et perceptions
Medieval sea in Maghrib: practices and perceptions
Date
Samedi 15 Décembre 2018 à 14:00
Adresse
Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis 94 BD du 9 avril 1938 1007 Tunis Tunisie
salle Salah Guarmadi
Jury
CoDirecteur de these Mme Elisabeth MALAMUT AMU
CoDirecteur de these M. Mohamed OUERFELLI AMU
CoDirecteur de these M. Mohamed HASSEN Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis
Rapporteur M. Abdelhamid FEHRI Université de Sfax
Rapporteur M. Allaoua AMARA Université de l'Emir Abdelkader, Constantine
Examinateur Mme Hayet AMMAMOU Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis
Examinateur M. Mohamed BAKHOUCH Aix Marseille Université
Examinateur M. Salah BAïZIG Université de Tunis

Résumé de la thèse

Le sujet de la mer au Maghreb médiéval : pratiques et perceptions, pose de nombreuses questions relatives à la relation des Maghrébins avec cet espace et son rôle dans l’enrichissement de la vie économique, sociale et mentale des habitants du littoral. Mare nostrum des Romains était considéré pendant les premiers siècles de l’Islam comme le Bahr al-Roum (la mer des Byzantins) du fait de la domination de la marine byzantine par opposition au Bahr al-dhulumât (mer des ténèbres), pour qualifier l’océan Atlantique, en raison d’une méconnaissance totale de l’au-delà de la Méditerranée. Mais pendant les siècles suivants, les musulmans investissent progressivement la Méditerranée et rivalisent avec Byzance et le monde latin pour la maîtrise des techniques de navigation et la domination du commerce maritime, d’où le développement des échanges entre les deux rives de la Méditerranée. La première partie de cette recherche consiste à appréhender tous les aspects pratiques de la mer chez les Maghrébins à travers son rôle dans la vie quotidienne des gens. Cette Méditerranée nourricière est un moyen de subsistance pour les populations côtières et une source de richesse et de générosité (pêche, butin, commerce…). Les facteurs naturels, humains, politiques et historiques ont contribué à maîtriser de manière relative la mer, à développer les pratiques maritimes et à produire des représentations de la mer. Le facteur naturel joue un rôle de premier plan dans la construction navale, en fournissant des ressources naturelles (bois, goudron, chanvre), et dans la maîtrise des espaces maritimes, en créant des conditions favorables à la navigation, à travers les mouillages et les ports naturels, protégés par le relief. Parmi les facteurs humains, on peut noter le rôle des Coptes dans le développement du premier arsenal à Tunis ou celui de Berbères dans l’approvisionnement en bois des arsenaux et leur participation aux conquêtes maritimes. Les Andalous, quant à eux, ont fondé de villes portuaires et financé la piraterie. La deuxième partie est consacrée aux rapports quotidiens des Maghrébins avec la mer. Les diverses ressources marines sont passées en revue, ainsi que leur usage dans la vie quotidienne, dans les tâches ménagères, l’alimentation et la médecine. Les Maghrébins ont participé activement au commerce maritime, par le biais de diverses techniques et en relation avec l’ensemble du monde méditerranéen. Cette intense activité a généré des revenus substantiels pour les marchands et le pouvoir politique en place. La mer a aussi constitué un espace que les Maghrébins ont tenté de dominer par le biais des conquêtes, aussi bien dans les îles qu’en al-Andalous ou en Orient. Aux conquêtes maritimes s’ajoutent la course et la piraterie, considérées comme une forme de jihad, encouragé particulièrement par les religieux. La troisième partie porte sur la perception de la mer chez les Maghrébins entre approches scientifiques et perspectives mythologiques. Cette perception, qui a constamment évolué, s’est forgée au sein de trois catégories sociales bien distinctes. D’abord les pouvoirs politiques (califes, émirs, sultans) ; ensuite les élites (hauts fonctionnaires, juristes, poètes, écrivains, voyageurs, géographes, soufis) ; et enfin les catégories sociales inférieures constituées de marins et du menu peuple. Cette représentation offre une image contrastée, qui change et évolue en fonction des circonstances. La mer nourricière, riche et protectrice, symbolise la sécurité et permet de garantir des revenus substantiels à travers la pêche, les échanges maritimes, les taxes douanières et les contacts avec le monde extérieur. A l’opposé, elle peut se transformer à tout moment en source de pessimisme, de tristesse, de crainte et de dangers permanents. Pour les Maghrébins, la Méditerranée est aussi un espace sacré, où les saints intercèdent par le biais de miracles pour rendre les marins, les pèlerins et les voyageurs à leurs familles sains et saufs, pour marcher sur l’eau ou arrêter des tempêtes dévastatrices. L’eau de mer devient aussi dans la perception populaire un moyen pour guérir les maladies. Source d’espoir pour réaliser les souhaits (mariage, fécondité, éloignement du malheur…), la mer est également une source d’inspiration pour les écrivains et les poètes, afin d’exprimer leurs peines, leurs joies et leurs gloires ; elle représente à la fois l’étrange et le merveilleux, le thème du voyage et le désir de découvrir un monde inconnu. Ces perceptions ne sont pas nées au Moyen Âge, mais héritées d’anciennes civilisations ; elles ont été constamment remodelées et enrichies par les Maghrébins au prisme de leurs pratiques quotidiennes, mais aussi grâce à leurs contacts avec le monde latin et l’Afrique subsaharienne. Elles n’en demeurent pas moins vivaces aujourd’hui.

Thesis resume

The topic of The Sea in Medieval Maghrib : practices and perceptions, asks many questions about the relationship between Maghribis and this space and its role in the enrichment of the economic, social and mental life of the inhabitants of the shore. The Roman Mare nostrum was considered in the first centuries of Islam as Bahr al-Roum (the Sea of the Byzantines) because of the domination of the Byzantine navy, in opposition to Bahr al-dhulumât (the Sea of Darkness), to describe the Atlantic ocean, due to a complete ignorance of the beyond of the Mediterranean. But during the following centuries, muslims progressively take over the Mediterranean and compete with Byzance and the Latin world to master the technics of navigation and to dominate the maritim trade, hence the development of exchanges between the two shores of the Mediterranean. The first part of this research aims to comprehend all the practical aspects of the sea for the Maghribis thanks to its role in the daily life of people. This nourishing Mediterranean is a way of subsistence for coastal populations and a mean of wealth and generosity (fishing, spoils, trade…). The natural, human, political and historical factors contributed to master more or less the sea, to develop the maritim practices and to produce representations of the sea. The natural factor plays an outstanding role in the shipbuilding, by bringing natural resources (wood, tar, hemp…), and by mastering the maritim spaces, by creating favourable conditions for navigation, thanks to anchorages and natural harbours, protected by the relief. Among human factors, one can note the role of the Coptos in the development of the first naval shipyard in Tunis, or of the Berbers in the supplying of wood for the shipyards and in their participation to the conquests. As for Andalusians, they founded port cities and financed piracy. The second part is dedicated to the daily relations of the Maghribis with the sea. The various marine resources are carefully described, as well as their uses in the daily life, for household chores, food and medecine. Maghribis actively participated to the maritim trade, thanks to diverse technics and in relationship with the whole Mediterranean world. This intense activity engendered substantial incomes for the merchants and the local powers. The sea also constitued a space that the Maghribis tried to dominate thanks to the conquests of islands as much as in al-Andalus or in Orient. To these maritim conquests one can add the piracy, considered as a way of jihad, particularly encouraged by religious men. The third part deals with the perception of the sea by the Maghribis, between scientific approaches and mythological perspectives. This perception, which constantly evolved, was built up within three distinct social groups. Firstly the political powers (califs, emirs, sultans) ; then the elite (government officials, lawyers, poets, writers, travellers, geographers, sufis) ; at last the inferior social group made up of sailors and humble folk. This representation offers contrasting images, which change and evolve due to circumstances. The nourishing sea, rich and protective, symbolizes the security and the guarantee of substantial incomes thanks to fishing, maritim exchanges, poll taxes and contacts with the external world. On the contrary, the sea can turn at any time into a source of pessimism, sadness, fear and constant danger. For Maghribis, the Mediterranean is a sacred space too, where saints intercede by way of miracles to return the sailors, the pilgrims and the travellers safe and sound to their families, to walk above the water or to stop devastating storms. In the popular perception, the sea water also becomes a mean to cure illness. A source of hope to realise wishes (wedding, fertility, removal of adversity…), the sea is a source of inspiration too for writers and poets, in order to express their pains, their joys and their successes ; it represents strangeness and marvellous, the topic of travel and the desire to discover an unknown world. These perceptions were not born in the Middle Ages, but inherited from ancient civilizations ; they were constantly reshaped and enriched by the Maghribis thanks to their daily practices, but also due to their contacts with the Latin world and sub-Saharan Africa. They are still enduring nowadays.