Soutenance de thèse de Camille CASSARINI

Ecole Doctorale
ESPACES, CULTURES, SOCIETES - Aix Marseille
Spécialité
Géographie
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Migration,Géopolitique,Afrique,Frontière,
Keywords
Migration,Géopolitics,Africa,Border,
Titre de thèse
L'immigration ivoirienne en Tunisie : une géographie politique du contrôle social en mobilité
Ivorian immigration in Tunisia: a political geography of social control in mobility
Date
Lundi 14 Novembre 2022 à 13:00
Adresse
Faculté des Sciences Site St Charles Aix Marseille Université 3 place Victor Hugo 13331 Marseille cedex 3 Tél. : +33 (0)4 13 55 13 13
Amphithéâtre science naturelle
Jury
Directeur de these M. Hubert MAZUREK Aix Marseille Université
Rapporteur M. Olivier PLIEZ CNRS - ART-Dev - UMR 5281
Rapporteur Mme Camille SCHMOLL EHESS - Géographie-cités – UMR 8504
Examinateur M. Francis AKINDèS Université Alassane Ouattara
Examinateur Mme Florence BOYER IRD - URMIS - UMR 205
Examinateur M. Hassan BOUBAKRI Université de Sousse
Examinateur Mme Sophie BAVA IRD - LPED - UMR 151
Examinateur M. Charles GRéMONT IRD - LPED - UMR 151

Résumé de la thèse

La Tunisie est considérée, depuis la fin des années 1990, comme un des principaux pays partenaires de l’Union européenne dans la « lutte contre l’immigration irrégulière » en Méditerranée. Ce pays a participé à la mise en œuvre de l’ensemble des outils de contrôle des migrations élaborés par les États et les organisations internationales. Pourtant, à l’instar des autres pays de la région, la Tunisie est aussi travaillée, « par le bas », par de multiples dynamiques migratoires en provenance de l’ensemble du continent africain et, particulièrement depuis les années 2000, de la Côte d’Ivoire. Depuis le milieu des années 2010 et l’installation du registre de la « crise migratoire », cette population est structurellement considérée comme étant « en transit » vers les côtes européennes. Elle est de ce fait la cible de multiples dispositifs de contrôle et d’immobilisation mis en œuvre, d’une part par l’appareil étatique tunisien, mais aussi par un ensemble d’organisations humanitaires ou développementistes. En Tunisie, cette dynamique migratoire a été considérée comme la conséquence de l’évènement du camp de Choucha, premier camp de réfugiés ouvert en Tunisie à la suite du conflit libyen, en 2011. Depuis cette date, toutes les migrations africaines en Tunisie sont considérées comme le produit d’un « dérèglement » du système migratoire euro-africain et l’immigration ivoirienne en est considérée comme le principal. C’est dans ce contexte que cette thèse propose une nouvelle lecture des dynamiques migratoires ivoiriennes en Tunisie. À partir de données récoltées en Côte d’Ivoire et en Tunisie, et à travers une mise en perspective historique du fait migratoire dans le pays, il est démontré que les mobilités ivoiriennes se sont construites à la faveur des changements sociopolitiques de ces deux dernières décennies ainsi que d’une reconfiguration des imaginaires politiques de la réussite dans le pays. À travers ces éléments, cette thèse montre que l’immigration ivoirienne est solidement construite autour de réseaux migratoires animés par de multiples figures d’entrepreneurs de la mobilité. À partir des cas de Médenine et Sfax, cette thèse éclaire la manière dont les organisations internationales ont participé de la construction d’un marché de la gestion migratoire en Tunisie et ont développé un ensemble de dispositifs d’immobilisation autour de ces populations. À partir de l’étude de plusieurs trajectoires de personnes en migration engagées dans des programmes de gestion des migrations, il est montré comment l’engagement dans la promotion de l’immobilité s’est constituée en nouvelle modalité de réussite sociale et en nouvelle dimension des projets migratoires. Plus largement, la contribution théorique de cette thèse consiste à envisager la gouvernementalité des migrations, non plus dans une perspective exogène et coercitive, mais plutôt à travers ses logiques d’appropriations et d’insertion dans les imaginaires et projets migratoires.

Thesis resume

Since the late 1990s, Tunisia has been considered one of the European Union's main partner countries in the "fight against irregular immigration" in the Mediterranean. This country has participated in the implementation of all the migration control tools developed by states and international organizations. However, like other countries in the region, Tunisia is also affected, "from below", by multiple migration dynamics from the entire African continent and, particularly since the 2000s, from Côte d'Ivoire. Since the mid-2010s and the installation of the register of the "migration crisis", this population is structurally considered as being "in transit" to the European coasts. It is therefore the target of multiple control and immobilization measures implemented, on the one hand by the Tunisian state apparatus, but also by a set of humanitarian or development organizations. In Tunisia, this migration dynamic was considered the consequence of the event of the camp of Choucha, the first refugee camp opened in Tunisia following the Libyan conflict, in 2011. Since that date, all African migration to Tunisia has been considered the product of a "disruption" of the Euro-African migration system, and Ivorian immigration is considered the main one. It is in this context that this thesis proposes a new reading of Ivorian migration dynamics in Tunisia. Based on data collected in Côte d'Ivoire and Tunisia, and through a historical perspective of migration in the country, it is shown that Ivorian mobilities have been built through the socio-political changes of the last two decades as well as a reconfiguration of the political imagination of success in the country. Through these elements, this thesis shows that Ivorian immigration is solidly built around migratory networks animated by multiple figures of mobility entrepreneurs. Based on the cases of Medenine and Sfax, this thesis sheds light on the way in which international organizations have participated in the construction of a migration management market in Tunisia and have developed a set of immobilization devices around these populations. Through the study of several trajectories of migrants engaged in migration management programs, it is shown how the engagement in the promotion of immobility has become a new modality of social success and a new dimension of migration projects. More broadly, the theoretical contribution of this thesis is to consider the governmentality of migration, no longer from an exogenous and coercive perspective, but rather through its logics of appropriation and insertion into migratory imaginaries and projects.