Soutenance de thèse de LUCIE BRUIS

Nous analysons les transformations du métier d’agriculteur résultant de l’intégration de la question environnementale en agriculture. Nous montrons que l’autonomie constitue une force motrice centrale dans l’adaptation environnementale du métier d’agriculteur. En effet, l’aspiration à l’autonomie des agriculteurs et sa concrétisation partielle, via le déploiement de stratégies d’autonomisation à l’égard du complexe agro-industriel, favorise une telle adaptation. La confrontation des agriculteurs à de nouvelles attentes et incertitudes environnementales accroît non seulement leur autonomie objective et subjective, mais également la cohésion du groupe, ce qui se traduit par la multiplication de pratiques coopératives entre pairs, ainsi qu’avec les entités naturelles composant l’agroécosystème. Aussi, nous signalons que nous sommes entrés, depuis le début des années 2010, dans une nouvelle phase du processus de modernisation agricole. À partir d’une enquête qualitative par entretiens réalisée en PACA, couplée à une analyse secondaire de données quantitatives sur l’agriculture régionale et nationale, nous appréhendons les mutations du métier d’agriculteur dans le cadre d’une approche sociologique marxiste et notamment gramscienne. Nous proposons, en nous appuyant sur ce cadre, une lecture renouvelée des conflits agri-environnementaux, ainsi que de l’invisibilisation, partielle et socialement située, des efforts adaptatifs des agriculteurs. Appréhendant leurs stratégies d’autonomisation, au regard de la poursuite de l’effondrement de l’agriculture familiale, nous proposons une lecture critique des voies ouvertes aux agriculteurs afin de concilier autonomie et respect de l’environnement.

We analyze the transformations in the farming profession resulting from the integration of environmental concerns into agriculture. We show that autonomy is a central driving force in the environmental adaptation of the farming profession. Indeed, farmers' aspiration to autonomy and its partial realization, through the deployment of strategies of empowerment vis-à-vis the agro-industrial complex, favors such adaptation. Farmers' confrontation with new environmental expectations and uncertainties not only increases their objective and subjective autonomy, but also group cohesion, resulting in the multi-plication of cooperative practices among peers, as well as with the natural entities making up the agroecosystem. Since the beginning of the 2010s, we have entered a new phase in the process of agricultural modernization. Based on a qualitative interview survey con-ducted in the PACA region of France, coupled with a secondary analysis of quantitative data on regional and national agriculture, we take a Marxist and Gramscian sociological approach to the mutations of the farming profession. Using this framework, we propose a renewed reading of agri-environmental conflicts, as well as the partial and socially si-tuated invisibilization of farmers' adaptive efforts. Appreciating their empowerment stra-tegies in the light of the continuing collapse of family farming, we propose a critical rea-ding of the avenues open to farmers to reconcile autonomy and respect for the environ-ment.