Soutenance de thèse de Morgane DUJMOVIC

Cette thèse explore les dimensions sociales du dispositif spatial de contrôle migratoire contemporain en Croatie. Au cours des années 2000, des camps destinés à des personnes illégalisées en migration ou en demande d’asile sont aménagés par le biais d’incitations et de financements liés à l’adhésion à l’Union européenne (UE). À la fin de la décennie, ces espaces d’assignation et de mise à l’écart concernent majoritairement des populations en route depuis le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique. À partir de l’été 2015, la formation graduelle d’un canal migratoire officialisé traversant le Sud-Est de l’Europe invite à retracer la genèse d’un dispositif d’urgence dépassé et perturbé, puis réagencé en relation avec les énoncés institutionnels et médiatiques sur « l’invasion migratoire » dominant la période qualifiée de « crise ». Par la comparaison des deux périodes d’étude à travers une méthode d’analyse « radiographique », multi-scalaire et longitudinale, les apparentes contradictions observées dans cet espace social dévoilent des dynamiques paradoxales constitutives du dispositif de contrôle migratoire. Entre ancrages et mirages, les spatialités locales du contrôle migratoire interrogent les territorialités autant que la visibilité des politiques migratoires communautaires. La question posée sur ces transformations se situe à hauteur d’individus : comment un tel dispositif affecte-t-il les rapports entre acteurs en migration et acteurs déjà installés en Croatie ? Au fil de l’eau, l’observation à une échelle fine permet de retracer un continuum de mise à l’écart et de gestion sélective de l’altérité dans l’épaisseur d’un espace de confinement. Promesses perdues pour les unes et les uns ou alternatives manquées pour les autres, c’est finalement la capacité de création territoriale autonome des acteurs qui s’exprime dans cet espace social. Cette recherche propose une géographie sociale holiste et critique du phénomène de contrôle migratoire. Si le cas croate peut être considéré comme exemplaire d’un contexte de conditionnalités porté par les candidatures à l’UE et à l’espace Schengen, le positionnement défendu dans cette thèse plaide pour une approche humaine et compréhensive des politiques migratoires. Ces pages sont jalonnées de « fenêtres cartographiques » qui cherchent à ajuster le geste de la cartographe aux trajectoires sensibles d’acteurs en migration, comme une invitation à ouvrir le regard sur leurs propres représentations de l’espace européen pour le décentrer des objectifs restrictifs en matière de politiques d’immigration et d’asile en Europe.

This dissertation explores the social dimensions of the contemporary migratory control dispositif in Croatia. Throughout the 2000s, camps designed for illegalised or asylum-seeking people in migration are implemented through European union (EU) pre-adhesion incentives and funding. Predominantly people en route from the Middle East, Asia and Africa are assigned to these spaces and alienated. Since the summer of 2015, the progressive shaping of an officialised migratory corridor across South-East Europe questions the genesis of the emergency dispositif which was first disrupted before being rearranged according to mainstream institutional and media narratives on a “migratory invasion” in this so-called “crisis” period. Comparing the two periods of study through a multi-scalar and longitudinal method, two “radiographies” reveal that the apparent contradictions observed in that social space are indeed constituent, although paradoxical dynamics of the migratory control dispositif. Local control spaces and practices interrogate the territorialities as much as the visibility of EU migration policies. The research question based on these transformations lays at the individual level: how does this dispositif impact the relations between actors in migration and people already settled in Croatia? Along the path, fine-scale observation allows retracing a continuum of alienation and selective management of alterity in an in-depth space of confinement. Between unkept promises and missed alternatives, this social space ultimately expresses autonomous and innovative territorial capacities of the actors. This research proposes a social, holistic and critical geography on the phenomenon of migration control. The Croatian case-study is meaningful in a context of conditionalities in the framework of the EU and Schengen candidacy processes. In this regard, the thesis advocates for a human and comprehensive approach of migration policies. The following pages are punctuated by “cartographic windows” seeking to map the sensitive trajectories of people in migration, as an invitation to open oneself to their own narratives on Europe as to look beyond restrictive objectives in the field of migration and asylum policies in Europe.