Soutenance de thèse de Annamaria BIANCO

Ecole Doctorale
ESPACES, CULTURES, SOCIETES - Aix Marseille
Spécialité
Monde arabes,musulman et sémitique
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
refuge,exil,migration,roman arab contemporain,traumatisme,déplacement
Keywords
refuge,exile,migration,contemporary Arabic novel,trauma,displacement
Titre de thèse
Adab al-malǧa': représenter le refuge dans le roman arabe du XXIe siècle
Adab al-malǧa': Embodying Refuge in the 21st Century Arabic Novel
Date
Vendredi 9 Décembre 2022
Adresse
Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) 5 Rue Château de l'Horloge, 13090 Aix-en-Provence
Salle Duby
Jury
Directeur de these M. Richard JACQUEMOND Aix-Marseille Université
Rapporteur Mme Laurence DENOOZ Université de Lorraine
Rapporteur M. Lorenzo CASINI Université de Messine
CoDirecteur de these Mme Monica RUOCCO Université de Naples
Examinateur Mme Martina CENSI Université de Bergame
Examinateur M. Alexis NUSELOVICI Université d'Aix-Marseille

Résumé de la thèse

Cette thèse analyse la littérature arabe de l’exil et de la migration produite au tournant de la « crise des réfugiés » de 2015, avec un focus sur le genre du roman. Elle adopte une perspective à la fois diachronique et synchronique, et vise à décrire l’émergence d’une nouvelle esthétique migrante construite autour de l’expérience polyvalente du refuge, en identifiant les différents éléments de continuité et de discontinuité qui relient la fiction contemporaine au canon du passé. La recherche retrace les changements intervenus dans le monde arabe de l’époque coloniale à nos jours et met en évidence comment les guerres, les conflits et les diasporas des XXe et XXIe siècles ont fini par placer l’expérience de la mobilité sous le signe de la contrainte et de la précarité, modifiant les conditions de production, de circulation et de réception des textes. L’introduction expose les raisons du choix de l’objet d’étude en les faisant remonter à l’actualité du débat sur la mobilité globale, ainsi qu’à l’intérêt spéculaire qui a fleuri dans la sphère académique. Elle aborde des questions éthiques et méthodologiques, justifiant la préférence pour la formule descriptive d’adab al-malǧa’ (« littérature du refuge ») par rapport à celle d’adab al-luǧū’ (« littérature d’asile ») sur la base de recherches préliminaires attribuables à la sociologie de l’art bourdieusienne, dans lesquelles divers acteurs du champ littéraire arabe transnational sont interrogés : les auteurs et les autrices du corpus sélectionné, ainsi que d’autres écrivains, éditeurs, traducteurs, critiques et agents littéraires. La recherche complète l’étude des textes par celle de leur contexte social et culturel, en mettant en œuvre une approche qui combine l’ensemble des disciplines embrassées par les études sur les réfugiés et les migrations avec les principes fondamentaux de l’analyse littéraire afin de détecter la formation d’une véritable « poétique de la réfugiance » (de l’anglais « refugeedom »), avec des thèmes, des cadres et des personnages spécifiques, tirés à la fois de l’univers de la migration et du monde humanitaire. L’étude, conçue comme un parcours autant chronologique que thématique, est organisée selon une macro-structure tripartite qui vise à reconstituer l’intégralité du parcours des individus en quête de refuge, pris entre l’invisibilité et l’hypervisibilité qui sont leur assignées par la politique, les médias et le régime de l’asile. Focalisée sur de romans qui puisent dans la littérature de harraga (Taytānīkāt afrīqiyya [2008] d’Abū Bakr Ḥāmid Kahhāl et Anāšīd al-milḥ [2019] d’al-‘Arabī Ramaḍānī), la première partie met en évidence les liens entre les textes qui relatent l’expérience de la migration clandestine et ceux qui se concentrent sur l’exode des demandeurs d’asile, en faisant ressortir le même type de discours critique à l’égard de la forteresse Europe et des hiérarchies établies par le système humanitaire. Concentrée sur les concepts de vulnérabilité, traumatisme et résilience, la deuxième partie est consacrée aux réalités du transit et de l’immobilité. Elle analyse les espaces d’exception incarnés par les camps de réfugiés palestiniens (Muḫmal [2016] de Ḥuzāma Ḥabāyib) et par la Syrie prérévolutionnaire, caractérisée par une double réalité d’accueil et répression (Ḥurrās al-hawāʼ [2009] de Rūzā Yāsīn Ḥasan). La troisième partie se concentre sur l’expérience de l’asile en Europe (Barīd al-layl [2017] de Hudā Barakāt et ‘Āzif al-ġuyūm [2016] de ‘Alī Badr), nous permettant d’explorer des représentations anti-hégémoniques des notions d’hospitalité, d’identité, d’appartenance et de citoyenneté.

Thesis resume

This thesis analyses the Arabic literature of exile and migration produced at the turn of the 2015 “Refugee Crisis”, paying particular attention to the genre of the novel. The study takes a diachronic and synchronic perspective and aims to describe the emergence of a new migratory aesthetic built around the polyvalent experience of refuge, by identifying the different elements of continuity and discontinuity that link contemporary fiction to the canon of the past. The research traces the changes that have taken place in the Arab world from colonial times to the present, and highlights how the wars, conflicts, and diasporas of the 20th and 21st centuries have ended up defining the experience of mobility with the themes of constraint and precariousness, while altering the conditions of production, circulation, and reception of literary texts. The wide-ranging introduction sets out the reasons for this choice of subject by connecting it to the contemporary debate on global mobility, as well as to the specular interest that has flourished in academia. It dwells on ethical and methodological issues, justifying the preference for the descriptive formula of adab al-malǧa’ (“Refuge Literature”) over that of adab al-luǧū’ (lit. “Asylum Literature”; the Arabic for “Refugee Literature”) on the basis of preliminary research attributable to Bourdieusian sociology of art. To this end, various members of the transnational Arab literary field are gathered and interviewed: the authors of the selected corpus, as well as other writers, editors, translators, critics, and literary agents. The research intertwines the comparative analysis of the texts with the study of their social and cultural contexts, using an approach that combines the range of disciplines embraced by Refugee and Migration Studies with the fundamentals of literary analysis to identify the development of a “poetics of refugeedom” with specific themes, settings and characters drawn from both the universe of migration and the humanitarian world. The study, conceived as a chronological and thematic journey, is organised according to a tripartite macrostructure that aims to recreate the resettlement path of individuals seeking refuge, caught between the invisibility and hypervisibility conferred on them by politics, the media, and the asylum system. Focusing on two novels that draw on the tradition of harraga literature (Abū Bakr Ḥāmid Kahhāl’s Taytānīkāt afrīqiyya [2008] and al-‘Arabī Ramaḍānī’s Anāšīd al-milḥ [2019]), the first part of this work sheds light on the links between texts that recount the experience of clandestine migration and those that focus on the exodus of asylum seekers, bringing out from them the same kind of critical discourse towards Fortress Europe and the hierarchies established by the humanitarian system. Linking the concepts of vulnerability, trauma and resilience, the second part is devoted to the realities of transit and immobility, and analyses the “spaces of exception” embodied by Palestinian refugee camps (Ḥuzāma Ḥabāyib’s Muḫmal [2016]) and pre-revolutionary Syria, characterised by a dual reality of regional shelter and repression (Rūzā Yāsīn Ḥasan’s Ḥurrās al-hawāʼ [2009]). The third part sheds light on the experience of asylum in Europe (Hudā Barakāt’s Barīd al-layl [2017] and ‘Alī Badr’s Āzif al-ġuyūm [2016]), allowing the reader to explore the anti-hegemonic representations of notions such as hospitality, identity, belonging and citizenship.